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De nombreux gisements paléontologiques signalés dans les différentes couches géologiques du Djebel Dahar révèlent une valeur universelle par leur représentativité, leur richesse, leur diversité et leur état de préservation.

Trois grandes zones de gisements fossilifères parsèment le Dahar : le Djebel Tebaga de Médenine et ses gisements d’invertébrés paléozoïques (géosite n°5 et géosite n°10), la région de Tataouine et ses gisements d’invertébrés marins du Jurassique moyen (géosite n°11, géosite n°13 et géosite n°24) et la plaine du Ferch avec ses gisements des plantes fossiles et restes de vertébrés du Continental Intercalaire (géosites 121924272829).

Le Djebel Dahar : parc du paléorivage sud de la Téthys

La « réserve géologique » du Permien supérieur de Djebel Tébaga de Medenine

La « réserve géologique » du Permien supérieur de Djebel Tébaga de Medenine (250 millions d’années) est unique en Afrique. Elle correspond à l’endroit où a eu lieu l’un des plus importants évènements géologiques qui a marqué l’Histoire de la Terre : la séparation des plaques Afrique/Eurasie. Les sédiments des derniers dépôts de l’Ère primaire, visibles dans les affleurements de ce chaînon du Tébaga de Medenine, sont des véritables archives des conditions tectoniques et climatiques qui contrôlaient l’érosion et la sédimentation et animaient la surface de la Terre à cette époque importante de son Histoire. Les fossiles d’invertébrés marins préservés dans ces dépôts sont les seuls témoins de la vie marine en Afrique, juste avant la plus grande crise de biodiversité que la Terre n’ait jamais connu, il y a environ 245 millions d’années au passage Permien/Trias.

Gisements de la région de Tataouine

Les couches de calcaires et de marnes, que l’on peut suivre depuis les environs de Ghomrassen jusqu’en bordure sud de Stah Chabania, renferment une riche faune d’invertébrés marins : gastéropodes, céphalopodes, brachiopodes, échinodermes, bryozoaires, éponges et coraux.  Ces couches sont les témoins de la grande transgression qui a accompagné l’ouverture de la Téthys et qui a inondé la plateforme saharienne au cours du Jurassique moyen-début du Jurassique supérieur (165 à 150 millions d’années). Les eaux de la Téthys n’ont jamais été aussi favorables au développement d’organismes vivants. De véritables prairies sous-marines ont couvert les fonds de la mer téthysienne et d’importantes bio-constructions récifales se sont installées sur les irrégularités des reliefs sous-marins donnant lieu à l’épaisse barre calcaire qui coiffe les couches marneuses et qui matérialisent le maximum de la transgression marine. L’ensemble de ces couches de calcaires et de marnes fossilifères constituent les précieux et uniques témoins de la biodiversité de la mer téthysienne en bordure de la plateforme saharienne. Les restes de végétaux et de traces de pattes de dinosaures qui s’intercalent dans ces couches indiquent que des périodes de baisse du niveau de la mer ont interrompu la grande transgression marine du Jurassique moyen-début du Jurassique supérieur.

Gisements du Continental Intercalaire

Les gisements à plantes fossiles et restes de dinosauriens du “Continental Intercalaire” sont les témoins précieux et les plus représentatifs de la biodiversité des écosystèmes continentaux et côtiers de la rive sud de la Téthys à l’Ère secondaire. Au cours du Jurassique supérieur et du Crétacé inférieur (150 à 100 millions années), le Sud-Est de la Tunisie a vécu les conséquences des nombreuses émersions engendrées par l’intense activité tectonique qui a accompagné l’augmentation de la vitesse d’ouverture de la Téthys à cette époque. Ces émersions sont à l’origine du développement, à plusieurs reprises, sur la marge sud téthysienne de vastes écosystèmes continentaux et côtiers.

La nature des sédiments déposés dans ces écosystèmes ainsi que la biodiversité et la richesse de la vie dans ces derniers ont permis la fossilisation d’importants restes de végétaux, une collection paléobotanique de référence unique pour l’étude de la paléoflore au cours du Jurassique et du Crétacé. Les restes en fragments ou en troncs de bois fossiles sont systématiquement présents dans de nombreuses couches de sables qui s’intercalent dans les accumulations du Continental Intercalaire. Les traces de végétaux en empreintes, dont les conditions de préservation sont délicates car plus fragiles, se préservent dans les sédiments les plus fins comme les argiles, les marnes ou les sables fins à importante fraction argileuse. Plusieurs gisements à empreintes (environ une vingtaine) ont été mis en évidence dans le bassin de Tataouine.

L’inventaire de la biodiversité de l’ensemble de ces gisements couvrant un intervalle de temps d’environ 50 millions d’années, a permis de décrire pas moins de 30 taxons, dont 7 espèces nouvelles et un nouveau genre. Il s’agit d’une flore constituée de bryophytes, ptéridophytes, gymnospermes et quelques angiospermes primitives, formant des forêts luxuriantes, vertes. Cette flore indique des conditions climatiques chaudes et extrêmement humides très différentes de celles d’aujourd’hui.

Dans les forêts particulières de ces écosystèmes continentaux et côtiers de la rive sud de la Téthys vivaient une importante faune de vertébrés et d’invertébrés dont les vestiges ont été conservés dans de nombreux gisements de la région de Tataouine et dans différentes couches géologiques.

  • Les gisements du Néocomien (Crétacé inférieur, environ 130 à 110 millions d’années, début et milieu du Crétacé inférieur) sont particulièrement riches en restes de crocodiles (plaques dermiques et dents) de tortues (fragments de carapaces) et de requins (dents) et poissons (écailles et dents). Le tout est fossilisé et contenu dans des couches sableuses et argileuses déposées dans les estuaires. Un crâne presque entier d’un crocodile marin, associé à d’autres plaques dermiques, a été récemment découvert (décembre 2014) dans les dépôts néocomiens des environs de Jebel Oum ed Diab. Baptisé Machimosaurus rex, car non connu jusque là, ce reptile représente le plus grand crocodile marin des temps crétacés. La taille du crâne (1,5 mètre) laisse supposer une longueur de l’ordre 10 mètres et un poids de 3 tonnes pour ce gigantesque prédateur des estuaires.
  • Les gisements de l’Albien (environ 110 à 95 millions d’années, fin du Crétacé inférieur) sont bien plus spectaculaires par leur richesse en restes de lézards géants : les dinosaures. Il s’agit de dépôts grossiers de plage remarquables par la prédominance des ossements des deux genres de théropodes Carcharodontosaurus et Spinosaurus qui sont les plus grands dinosaures carnivores ayant vécu sur la Terre.

+ Carcharodontosaurus saharicus, du latin karcharo “tranchant”, odonto “dent”, et sauros “lézard”, signifie lézard aux dents tranchantes. Il s’agit d’un dinosaure théropode qui possède un grand crâne de 1,6 m de long. Sa taille  est de 8 à 14 mètres de longueur et son poids est de l’ordre de la dizaine de tonnes. Les restes même très fragmentaires de ce gigantesque théropode sont facilement reconnaissables grâce à la forme caractéristique de ses dents. Rappelant celles des requins, celles ci sont arquées et montrent des rainures minuscules qui s’étendent sur toute la dent et qui la rendent tranchante. Sa présence  dans le Continental Intercalaire en Algérie, où il a été découvert et étudié pour la première fois, et l’abondance de ses restes dans la ma même position stratigraphique dans le Sud de la Tunisie, témoignent de la grande répartition de ce dinosaurien et de son adaptation aux paléoenvironnements crétacés de la marge sud de la Téthys.

+  Spinosaurus aegyptiacus signifie “lézard épineux” en raison des longues épines dorsales qui portent le voile caractéristique de ce théropode géant. Ayant une hauteur de 5 à 6 mètres, une longueur pouvant aller jusqu’à 18 à 20 mètres et un poids dépassant les 10 tonnes, il s’agit du plus grand dinosaure carnivore jamais décrit de tous les temps secondaires. Il possède un crâne ressemblant à celui d’un crocodile avec un museau long et étroit portant une rangée sigmoïde de dents coniques. Ces dernières, remarquablement abondantes dans les gisements d’âge albien (fin du Crétacé inférieur) de la région de Biar Oued el Khil et Jebel Baten el Hmaïma, sont parfois difficiles à distinguer de celles des crocodiliens. Contrairement au reste des théropodes, les Spinosaurus constituent un groupe particulier de dinosaures qui avaient un  mode de vie semi-aquatique et pouvaient, grâce à ses longs bras, se déplacer à quatre pattes sur la terre ferme et nager. C’est à la fois un carnivore et un piscivore.

A côté des restes de ces deux redoutables prédateurs capables de s’attaquer à des gibiers de grande taille, les gisements albiens du Djebel Dahar ont fourni de nombreux restes de sauropodes gigantesques comme l’indique la taille des nombreuses vertèbres caudales et les fragments d’humérus et de fémurs appartenant à cette catégorie de dinosaures quadrupèdes et herbivores. Ces dernières années (2012 et 2013) des missions de fouilles ont abouti à la découverte, pour la première fois, de restes postcrâniens connectés, aux environs de Bir Amir au sud de Tataouine. Il s’agit d’un nouveau genre de dinosaure sauropode baptisé Tataouinea hannibalis. Dans les mêmes couches géologiques de l’Albien, figurent des restes d’autres dinosauriens théropodes et ptérosaures (grands lézards volants carnivores) ainsi que d’abondantes plaques et dents de crocodiliens, de requins et de poissons.

Etant donnée leur représentativité (environ 50 millions d’années) et bien qu’ils renferment des ossements souvent déconnectés et fragmentaires, ces gisements de vertébrés sont d’une grande valeur scientifique. Avec les gisements à restes végétaux, ils constituent un patrimoine paléontologique de référence incontournable dans la reconstitution de l’Histoire de la plate forme-saharienne et de la vie sur ses terres émergées.

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