Le Dahar méridional : un relief plus aéré
Le Djebel Dahar, constitue une composante importante du Sud Est de la Tunisie avec la Jeffara et le Littoral. Il s’impose dans le paysage à partir de Matmata au Nord jusqu’à la frontière tuniso-libyenne au Sud Est. La partie nord du Djebel Dahar située entre Matmata et Tataouine, est alignée Nord-Sud. Elle constitue un bloc qui surplombe la plaine de la Jeffara à l’Est d’un puissant escarpement. C’est au niveau de Mareth que le Djebel Dahar se rapproche le plus de la mer (golfe de Gabès) à une distance de 40 km. Vers le Nord, le Djebel Dahar domine la plaine côtière de Gabès et le couloir qui le sépare de la chaîne montagneuse de Tébaga d’el Hamma. Il s’incline doucement vers l’Ouest pour plonger sous les dunes du Nefzaoua et du Grand Erg Oriental. Vers le Sud, la continuité du Djebel Dahar prend progressivement une direction Ouest-Est pour se prolonger ensuite en Libye, après avoir subi une inflexion décrivant ainsi un arc ouvert sur une vaste plaine qui s’étend jusqu’à la mer. La zone comprise entre le village de Zraoua au Nord et le village de Douiret au Sud ainsi que son prolongement vers l’Est jusqu’au Djebel Rehache dispose d’un riche patrimoine naturel et culturel constituant un musée vivant en grandeur nature.
Un climat fortement contraignant
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Un climat aride caractérise le Djebel Dahar avec des pluies annuelles moyennes variant de 100 à 200 mm du Sud (Tataouine) au Nord (Matmata). La température moyenne annuelle se situe aux alentours de 19°C. L’hiver est doux avec des valeurs thermiques minimales moyennes de l’ordre de 8°C. La saison estivale est chaude avec des températures moyennes maximales dépassant 37°C. Cette période enregistre également une quarantaine de jours de sirocco, vent chaud et sec soufflant du Sahara, connu localement sous le nom de Chéhili. Le sirocco avec son effet desséchant accentue rapidement la chaleur et réduit sensiblement l’humidité atmosphérique. Il est nuisible pour l’Homme et pour toutes les composantes biologiques du milieu naturel. Les vents soufflant du Sud Ouest sur le Dahar sont chargés de sables réduisant ainsi nettement la visibilité et causant des dégâts énormes pour les cultures et les végétaux.
L’aspect accidenté et morcelé du relief de Djebel Dahar et l’éloignement progressif vers le Sud et vers l’Ouest de l’influence maritime du golfe de Gabès sont à l’origine de plusieurs nuances climatiques sensibles à l’échelle locale. Les contrastes sont surtout visibles entre les sommets des principaux djebels et les bas versants, les plaines et les cuvettes enclavées, d’une part, et les versants d’exposition opposée, d’autre part. Ainsi, les reliefs les plus élevés centrés autour du Kef Enssoura forment de petits anneaux de fraicheur et d’humidité supplémentaires (plus de 200 mm de précipitations annuelles) par rapport au reste du Dahar.
La faiblesse du volume pluviométrique, associée aux températures estivales élevées, donne lieu à un déficit climatique annuel qui dépasse souvent 1300 mm. Les populations locales ont dû, de tous temps, faire face à la rareté de l’eau pour satisfaire leurs besoins domestiques et pour pratiquer l’agriculture.
En direction du Sud et à partir de la région de Zammour et Beni Khédache, on commence à distinguer deux plateaux étagés. Le premier domine directement la plaine de la Jeffara par un escarpement vigoureux qui prend le relai de celui de Kef Ennsoura. Il se poursuit à partir de Kef el Anba jusqu’à Ghomrassen, en suivant un tracé décrivant des rentrants et des promontoires. En direction de l’ouest, ce plateau s’étend jusqu’au pied du Djebel Beni Khédache constituant un autre escarpement qui assure la continuité de celui de Kef Ennsoura et dont le dos donne lieu à un second plateau très vaste finissant en bordure de l’Erg oriental. En retrait à l’ouest par rapport à l’escarpement principal de Kef el Anba se dresse la butte de Kef Mzenzen à 695 m d’altitude. A partir de son sommet, on ne peut qu’admirer le paysage en dominant toute la vallée de l’oued Zammour et l’ensemble du plateau de Beni Khédache avec les aménagements hydro-agricoles et les plantations dans lesquelles l’olivier reste l’arbre roi ainsi que les habitats troglodytes. La vue est comparable à celle qu’on obtient à partir d’un avion volant à faible altitude. À l’horizon, on aperçoit Kef Ennsoura au Nord, la ville de Medenine à l’Est et Ksar Hdada au Sud.
Dans les environs de Ghomrassen, le relief devient plus aéré avec un rebord à corniche surplombant le plateau assez large de Ghomrassen et d’el Ferch. Celui-ci domine à l’Est une partie de la plaine située au nord de la ville de Tataouine. Le paysage est marqué dans cette zone par les canyons étroits formés par les oueds Graguer, Zaafrane et Ghomressen.
Un peu plus au sud, à partir de Tataouine se succèdent, d’ouest en est et sur une vingtaine de kilomètres, une série de plateaux et de rebords dominant des vallées étroites ou des plaines, c’est le domaine du Djebel Abiadh. Ce Djebel offre un paysage bien spécifique sur une courte distance et son attractivité est, depuis longtemps, prouvée par la densité exceptionnelle du peuplement et des ksour. A l’ouest du Djebel Abiadh, le Djebel Boulouha annonce le plateau du Dahar proprement dit, culminant à 664 m. Son rebord correspond à une couche carbonatée dure épaisse d’environ 40 m. Cette corniche massive de couleur brune porte les citadelles des villages troglodytes de Douiret, de Chénini et de Guermessa. Vers l’Est, le plateau calcaire de Maztouria culminant à 514 m, surplombe la vallée étroite et fertile de l’oued Zondag. Dans la même direction, le plateau de Tounket prend la relève à 450 m d’altitude et domine la vallée de l’oued Béni Blel. Le Djebel Grimissa termine cette série culminant à 446 m d’altitude. Constitué essentiellement de gypse et de quelques bancs dolomitiques, il domine vers l’Est la vaste plaine de Bhir.
Le paysage lunaire du piémont du Djebel Rehache : une curiosité naturelle
Le Djebel Rehache est le premier relief rencontré depuis le domaine littoral du golfe de Gabès. Il se détache vers le Nord-Est du Djebel Grimissa et culmine à 235 m. Au pied de ce Djebel, s’étend la Sebkhet Erg el Makhzen, une dépression fermée à fond dépourvu en grande partie de toute végétation. La couleur rouille des grès triasiques qui contraste avec celle ocre jaune des strates carbonatées qui les surmontent et les formes particulières d’altération et d’érosion dans ces grès, sont à l’origine du paysage extra terrestre rencontré au pied de Djebel Rehache et en bordure de Sebkhet Erg el Makhzen. Rappelant des figures sédimentaires laissées par une intense activité de crabes géants, ce paysage exceptionnel est purement minéral et sans aucune trace de vie. Ce sont les fluctuations des nappes hydrogéologiques qui, au cours des temps géologiques, sont responsables de la dissolution, la migration des solutions d’eau et la précipitation des minéraux de silice et de fer dans la roche. Les précipitations n’étant pas homogènes dans la roche sableuse, elles engendrent une consolidation différentielle dans cette roche et par conséquent une érosion sélective aussi. Ces formes d’érosion qui apparaissent lorsque les grès affleurent à la surface, sont par la suite sculptées et façonnées par l’action de l’érosion exercée par le vent pour donner cette curiosité naturelle qui s’apparente aux paysages de la lune et d’autres planètes de l’Univers.
Le Djebel Dahar et ses composantes orographiques : un paysage exceptionnel
Le Djebel est un vocable qui désigne le majestueux escarpement (front) se dressant en une vigoureuse muraille qui se prolonge, sur plus de 100 km, entre la région de Matmata et celle de Tataouine. D’abord appelé Djebel Matmata, il prend ensuite le nom de Djebel Demmer dans la région de Beni Khédache et Djebel Labiadh dans la région de Tataouine. Culminant à 713 m à Kef Ennsoura, au Nord, le Djebel Dahar connait une baisse progressive d’altitude vers le Sud et vers l’Ouest. Ce grand escarpement domine à l’Est la plaine de la Jeffara avec un versant raide, doté au sommet d’une somptueuse corniche en roche dure.
Le Dahar septenrional : un relief massif et compact
Dans les Matmata et jusqu’à la région de Zammour-Béni Khédache, le Dahar se présente sous la frome d’un plateau calcaire ou dolomitique étendu faiblement incliné vers l’Ouest. Les altitudes varient de 400 à 500 m. Elles ne dépassent 600 m qu’au niveau du grand escarpement qui sépare le plateau de la plaine de la Jeffara pour culminer à 713 m au niveau de Kef Ennsoura dans la région de Toujène-Zmertene. Plusieurs contreforts et petits chaînons tel que le Djebel Tébaga (320 m) perturbent la monotonie de la plaine de la Jeffara, doucement inclinée vers l’Est, en direction de la mer. La surface du plateau est fortement découpée par les oueds. Elle présente une multitude de buttes et de lanières séparées par des cuvettes et des vallées incisées présentant par endroits, des canyons à berges verticales sur environ 200 m de profondeur comme c’est le cas de l’oued Jir entre Toujène et Matmata.
Le rebord de l’escarpement offre, de Toujène jusqu’à Chéguimi en passant par Kef Ennsoura, une excellente vue panoramique sur la plaine de la Jeffara, le golfe de Gabès et par beau temps, l’île de Djerba. Les buttes parsemant le plateau de Matmata sont nombreuses (Lella Talkouest, Galaat Matmata, Zegrarine, Galaat Mira et Ksar Béni Issa…). A partir de leur sommet il est aisé de contempler le paysage des cuvettes (Beni Zalten, Haddej, Matmata, Beni Issa…) et des vallées occupées par les aménagements hydro-agricoles et les cratères des habitats troglodytiques.