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Le Djebel Dahar abrite, en dépit d’un climat très contraignant, une flore et une faune sauvage bien spécifiques. La couverture végétale correspond à une steppe aride et subdésertique fortement clairsemée. Sa monotonie apparente cache, en fait, une grande diversité floristique et physionomique en rapport avec les gradients climatiques locaux, les conditions du relief et des sols et le degré de l’action humaine passée et actuelle. Ainsi, plusieurs unités de végétation, formant une mosaïque, peuvent être identifiées dans le Djebel Dahar

Une faune sauvage et diversifiée

Parmi les mammifères vivants aujourd’hui dans le Dahar, on peut citer le lièvre à pelage, le fennec, le chacal, la hyène, la gerbille, la gerboise du désert et l’hérisson. Le goundi de l’Afrique du Nord (Ctenodactylus gundi) est un petit rongeur très répandu dans cette région. Il vit en petites colonies dans les fentes des rochers, dans les escarpements, sur les versants, dans les banquettes à pierres sèches des jessour et aux bords des routes. Le rongeur se nourrit de plantes aromatiques (armoise blanche, romarin, thym…) et il est consommé par l’Homme. Le goundi aime le soleil, pour en profiter au maximum, il s’aplatit entièrement sur les rochers. Il est très méfiant et émet un sifflement au premier danger pour disparaître rapidement dans son refuge. Actuellement, cette espèce se raréfie sous l’effet des chasses non contrôlées. Ces dernières années, la région du Dahar avait connu une grande multiplication de la population des zorilles du Sahara (Dhorbên, Ictonyx libycus).

L’avifaune sauvage et très diversifiée est bien présente surtout au printemps. L’aigle royal, le milan noir et les corbeaux nichent dans les hauts escarpements rocheux du Dahar. La perdrix gambra s’est multipliée par dizaines dans les jessour et dans les steppes denses à reatem, rhantérium (Arfèj), armoise (Chih)…

La région du Dahar se situe sur la voie de migration des oiseaux vers le Sahara. Pendant leurs longs trajets, beaucoup d’oiseaux s’arrêtent sur les escarpements rocheux (Kef Enssoura, Kef Mzenzen, Kef el Anba, Baten Lahmar…) et dans les formations steppiques denses. Les plus remarquables d’entre eux sont les loriots d’Europe, la huppe fasciée, le sirli du désert, le hibou grand duc, le traquet du désert…

Les reptiles dans le Dahar s’activent en été. On trouve surtout ; le cobra dénommé «Bouftira», la vipère à cornes et la vipère libertine. Dans les secteurs sableux, le varan du désert, le fouette queue (Dhab, Uromastix acanthinurus, espèce protégée) sont fréquents. Parmi les invertébrés, figurent plusieurs espèces de scorpions (grand scorpion jaune, scorpion fouisseur, scorpion noir), l’anthia à six points, le criquet migrateur.

Une mosaïque végétale par endroits riche et diversifiée

Les hauts reliefs calcaires centrés autour de Matmata sont marqués par un climat légèrement plus frais et plus humide que le reste du Dahar. Ils s’individualisent, entre autres par la présence de plusieurs îlots arbustifs d’extension réduite à genévrier de Phénicie (Ar’ar hor) et romarin, formant une garrigue basse ou moyenne assez dense à Kef Ennsoura. Probablement issu de la dégradation d’une ancienne forêt méditerranéenne de pin d’Alep (S’nouber/Zgougou) et genévrier de Phénicie, ce peuplement n’a pas d’équivalent dans l’ensemble de la région du Dahar. Son cortège floristique, constitué d’un mélange intime d’espèces steppiques et méditerranéennes, est assez original. Il renferme des espèces d’une grande valeur scientifique et patrimoniale comme le romarin (Klil, variété troglodytarum)), le genêt microcéphale (Cheddida)  et la germandrée, le rute d’Alep (Fijèl), le thym (Zaâtar), le ciste de Liban (Milliya), l’alfa (Halfa/Gueddim), l’armoise blanche (Chih), le câprier commun (Kabbar), le sumac (Jdèri)…

Ce paysage végétal arbustif a été probablement plus étendu puisque l’aire actuelle d’extension des autres compagnons de genévrier de Phénicie tels que le romarin (Rosmarinus officinalis var. troglodytarum), le genêt microcéphale (Genista microcephala var. tripolitana) et la germandrée (Teucrium alopecurus) est plus large (de Matmata au Nord et jusqu’à Chénini au Sud). Ce patrimoine végétal est de nos jours en régression continue à cause du surpâturage et surtout par la coupe exercée par les habitants des villages limitrophes à des fins domestiques et médicinales (surtout le romarin, le rute d’Alep et le genévrier de Phénicie).

Les fonds des ravins profonds (Châab), les zones d’épandage et les proximités des sources d’eau constituent des milieux humides propices au développent d’une végétation particulière dont la répartition spatiale varie beaucoup selon les types des sols. Ainsi, la stagnation temporaire des eaux favorise l’installation d’un fourré dominé par les tamaris (Tarfa), le laurier rose (Défla), les joncs (Smar), le palmier, le roseau (Gsab)… Dans les endroits où un voile sableux couvre le sol, une végétation adaptée au sable (psamophile) apparaît comme le jujubier (Seder), le reatem (Rtem), le rhantérium (Arfej), l’aristide piquante (Sbat). Les sols gypseux sont colonisés par le sparte, l’astragale (Gtêt), la réaumuria vermiculaire (Oum N’da), la nitraire à feuilles rétuses (Ghardeg)… Enfin, sur les sols plus au moins salés se développent des espèces halophiles (adaptées au sel) telles que l’atriplex (Gtaf), la soude (Soueda), l’arhrocnème (Hmadha), l’arroche tendre (Gtaf), la salicorne…

Les versants calcaires (dh’hari) sont couverts par des sols rocailleux et soumis à l’érosion. Ils se distinguent par une steppe fortement dégradée et dominée par la saligne à balai (Methnène), le gymnocarpos buissonnant (Jrad/ Khachra)… L’alfa (Halfa) occupe les endroits à sols sablonneux anciens, tandis que l’armoise blanche colonise les voiles sableux récents. Dans les champs dunaires, à l’instar de celui de Khil à l’ouest de Ghomrassen sur la piste de Ksar Ghilane, se développe une pseudo-steppe assez dense à rhantérium (Arfej), reatem, (rtêm), aristide piquante (Sbat), calligone chevelu (Arta) et jujubier (Seder).

Les truffes : un champignon très apprécié et recherché

Lorsqu’il pleut dès le début de l’automne, les truffes (Terfès) du désert apparaissent à partir du mois de mars dans les milieux protégés du piétinement des troupeaux, notamment sur des sols limoneux et sableux bien drainés. Il s’agit d’un champignon qui parasite l’espèce steppique l’hanthemème ou « Rguiga» ; espèce très répandue dans la région. Cette truffe est très connue et recherchée par la population de la région du Dahar, qui l’apprécie pour son goût délicieux et sa valeur nutritive et culinaire. Au cours des années particulièrement pluvieuses, le produit, bien apprécié est cueilli en grande quantité pour être commercialisé à Tunis et à l’étranger.

La flore du Djebel Dahar : Une ressource alimentaire, phytothérapique et artisanale

Depuis fort longtemps, les jbalia du Dahar ont valorisé ce patrimoine végétal varié sous divers aspects en développant un savoir-faire spécifique :

  • Les usages culinaires

Plusieurs espèces végétales sont appréciées par la population du Djebel Dahar en raison de leurs goûts délicieux ainsi que leurs valeurs nutritives et culinaires. C’est le cas du caroubier, du fruit du jujubier (N’bag), du diplotaxis (Harra), de l’erodium (Tommir), de l’ail rosé (Lazoul/Korreth), de l’oseille de Tanger (Gourrissa), des truffes (Terfès), du moricande (H’mim ou Kromb eljemel), de la scorsonère à feuilles ondulées (Guiz)….

  • Les usages artisanaux

Certaines espèces végétales bien répandues dans le Djebel Dahar sont à la base d’une activité artisanale aujourd’hui en voie de disparition. En effet, le sparte (ou Fol halfa, Lygeum spartum) et l’alfa (Gueddim, Sipa tenacissema) sert à la fabrication de certains outils agricoles comme les cordes, les différents types de couffins et sacs, les scourtins (chouami), les bissacs (Adeyel ou Zembil), le couvre bosse du dromadaire (H’wiya), les silos à grains (ou Kambouts)… En outre, les joncs (Smar, Juncus ssp.), bien représentés aux bords des oueds et près des sources d’eau, sont utilisés pour  la fabrication des nattes (Hssira).

  • Les prélèvements de bois

Les paysans du Dahar collectent le bois des buissons steppiques, subdésertiques et méditerranéens pour répondre à leurs besoins, surtout en bois de chauffage et bois de feu. Alors que l’usage des bois de construction, d’équipement et d’outillage (construction des abris et des clôtures pour les bêtes, des gourbis…) a fortement reculé dans la région. Les espèces les plus recherchées par ce phénomène sont particulièrement le romarin, le genévrier de Phénicie, le jujubier, l’anabase (Ajram), le saligne à balai (Remth), les hélianthèmes (Kourchid), l’armoise blanche, le genêt épineux (Gandoul), le retam (R’tem,), la passerine hirsute (Methnène), la nitraire à feuilles rétuses (Ghardg).

Du fait qu’elles donnent du charbon et des bois de feu de haute valeur calorifique, les souches des plantes sont les plus recherchées par les paysans. Ceci qui constitue une vraie menace pour la régénération spontanée de la végétation.

Par ailleurs, la densité élevée des fours traditionnels de plâtre et de chaux dans le Dahar, notamment aux alentours des habitations ruinées, des Galaa et des Ksour, souligne que la végétation naturelle avait subi de fortes pressions au cours des siècles écoulés.

La généralisation de l’utilisation du gaz butane dans les foyers depuis quelques décennies et l’exploitation du bois d’élagage (surtout l’olivier) a participé sensiblement à l’allégement de la pression humaine sur les ressources végétales naturelles.

Phytothérapie traditionnelle

La flore du Dahar renferme plusieurs dizaines de plantes sauvages à vertus médicinales et cosmétiques. Les espèces ayant des vertus médicinales les plus connues sont les suivantes :

Tableau : Usages médicinaux et cosmétiques de quelques plantes caractéristiques du Dahar

Nom vernaculaireNom FrançaisUtilisations médicinales et cosmétiques de l’espèce
AarârGenévrier de PhénicieEmployée sous forme d’infusion contre les maux divers de la tête et du type digestif, comme antiseptiques des plaies, contre la gale du dromadaire.
KlilRomarin variété troglodytarumLes infusions sont utilisées pour guérir l’hyper-tension. Plante à utilité aromatique.
Zâater HorThymEmployée comme tisane contre les maladies du tube digestif, contre l’avortement et pour procurer la puissance sexuelle. Elle est utilisée comme aromatiques dans les aliments.
FijelRute d’AlepSert à combattre les nausées, les constipations, les douleurs d’origine rhumatismale et contre les maux des yeux et des oreilles.
ChihArmoise blancheUniversellement réputée pour ses vertus médicinales. Son infusion sert, entre autre à combattre les maladies du tube digestif.
Khzama/ kemmoun j’melLavandeSert à guérir le rhume. Elle est appréciée pour ses propriétés cosmétiques, en parfumerie et pour teindre les cheveux.
LazoulAil sauvageUtilisé pour soigner le rhume.
Zili/TerthouthCistancheUtilisée comme anti diarrhéique
GouzzahPituranthos tortueuxSert à combattre l’allergie et la gale des dromadaires. Son huile essentielle est très appréciée
HarmelPeganum HarmelSoins ophtalmologiques et pour guérir les infections des organes génitaux de la femme.
M’nitna ou Oum jlejelCléomeContre le rhume, la gale des animaux…
D’gouftArmoise champêtreConnue comme vermifuge et dans les soins contre les morsures de serpents et les piqûres des scorpions.
Jaâdaya ou GattabaGermandréeEmployée comme remède contre la variole, les gastro-entérites, la fièvre, les coliques, les diarrhées.
TommirErodium à feuilles glauquesLes feuilles réduites en poudre entrent dans une préparation servant à tanner les peaux
BougribaZygophyllum blancTraitement du diabète et des caries dentaires
TarfaTamarisUtilisé pour le tannage des cuirs et pour teindre les cheveux
LebbinaEuphorbe de GuyonEmployée contre les piqûres des insectes et des scorpions
H’mimMoricandeElle guérit le scorbut, maladie provoquée par manque de vitamine C.

 

Etant donné que l’aire de répartition de romarin est extrêmement réduite dans le Djebel Dahar (des petits îlots aux djebels centrés autour de Matmata et dans les environs de Chénini), l’activité de distillation de cette espèce est très peu développée dans cette région.

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